Quand le thé devient un véritable cérémonial pour les jeunes en Guinée

2 mars 2018

Quand le thé devient un véritable cérémonial pour les jeunes en Guinée

Très  tôt, Alsény apprête les accessoires du thé auprès de son échoppe à Tompetin. Crédit photo: Hippolyte Batumbla Camara

Dans la cité aux pieds du mont Kakoulima (1 107 m), le soleil se dessine à l’horizon. La brise marine souffle en ce petit matin du 28 février 2018. Il est 7 heures 40 minutes. Il fait si frais qu’on se croirait en décembre : on resterait bien se cramponner au lit, les pieds serrés contre le ventre sous une couverture assez lourde. Le silence règne en maître sur la route principale. Quelques femmes, des bassines sur la tête, arpentent la chaussée. C’est l’heure : direction le grand marché au cœur de la ville.

Ici, nous sommes à Tompetin (un des quartiers les plus vastes de l’agglomération). Les boutiques d’alimentations générales qui longent le trottoir s’ouvrent petit à petit. C’est le moment pour Alsény Sylla, 29 ans, d’apprêter les accessoires de l’attaya (nom du thé dans le jargon des accro). La manœuvre est simple : verser le résidu des feuilles de thé de la veille dans la poubelle, rincer les verres, chercher l’eau au robinet et enfin attiser le feu.

 A tour de rôle, chacun sirote son verre de thé.

Il est 10 heures. Le soleil brûle déjà le crâne. À en croire la météo, il fait 35 degrés. Chez Alsény, qui vend de l’essence au marché noir et tient une échoppe, un coin offre la possibilité de contempler l’interminable ambiance de la route nationale numéro 3. Le visiteur à une belle vue sur le bloc administratif de la préfecture, juste après la colline.

Le ‘’Grin‘’, comme on l’appelle, se remplit. Les amateurs de thé – qui trouve son origine en Chine – s’installent. Ils sont environ une dizaine de jeunes. Le thé boue déjà à cent degrés Celsius, dans le Brada (petit récipient  en métal pour sa cuisson, ou encore théière). Un jeune traverse la chaussée et vient rejoindre ses amis. La mine froissée, quelques gouttes d’eau dégringolent sur son visage d’ado. La vingtaine, il tire une chaise et lance la salutation au groupe.

Du coup, le thé est maintenant dans une tasse. Celui qui assure sa cuisson y ajoute du sucre. C’est parti pour le mélange avec un revers de main répété. « La mousse s’obtient ainsi. Après, je goutte pour vérifier la quantité de sucre», avance Kabinet Camara 27 ans, qui tient deux tasses en main. Quelques minutes s’écoulent. A tour de rôle chacun sirote son verre de thé.

Une vraie scène de passe-temps et d’anti stress

« Nous passons la plupart du temps à prendre l’attaya ; j’aime son caractère social et l’appétit qu’il me donne», laisse entendre Alsény Sylla tenant son verre rempli de mousse. Il ajoute ensuite que son groupe et lui peuvent consommer quelques 25 grammes de thé, soit deux à trois paquets par jour.

L’astre du jour brille au-dessus des têtes. Il est Midi. Comme s’ils répondaient à une invocation du saint Coran, la quinzaine de jeunes forme une ronde sous l’ombre du palmier qui se trouve là. D’ailleurs, c’est le seul arbre du coin. L’un parle du football ; il met l’accent sur les gestes du joueur qui ont marqués le match d’hier soir. L’autre s’indigne à voix basse  du manque grandissant d’emplois dans le pays. Certains évoquent la grève des enseignants, qui retient les écoliers à la maison depuis trois semaines. Plusieurs  d’entre eux, poussent des éclats de rire, en signe d’acquiescement aux idées évoquées. Une vraie scène de passe-temps et d’anti-stress.

La chaleur du soleil pèse sur les épaules. Le débat se poursuit de plus bel. Kabinet se prépare à servir le second tour de thé dans une atmosphère de discussions tendues. Oui, chacun tire le drap de son côté. Quand ils sont à couteaux tirés, le patron du lieu, Alsény, doit séparer les deux camps qui ne s’accordent pas du tout. « C’est vrai dans les grins, l’information s’obtient facilement, mais attention aux rumeurs que beaucoup rapportent, juste pour chercher à s’exprimer », précise Oumar Sylla. Il se ventile avec sa chemise, histoire d’atténuer la chaleur de la canicule.

L’astre du jour file au gré des heures et des minutes. Il est 17 heures finalement. Le groupe se disperse. Au Grin, les accessoires du thé sont visibles, rangés dans un bol au coin du palmier.

Un motard vient de se garer. Il achète un litre d’essence. L’homme demande une tasse de thé, mais Alsény l’informe que la dose est finie. Aussitôt, il allume la moto et disparaît dans une épaisse fumée noire, avec un ronronnement de moteur qui s’amenuise sur la chaussée.

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Commentaires

Jean mampoty bangoura
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Signe toujours tà plume c'est tres important. Très bientôt tu seras de par le monde courage

Camara
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Ah oui, le thé c'est de l'inspiration, autour, on apprend beaucoup avec les amis, on débat, on s'informe...ce qui nous pousse d' être noctambules à force de trop veiller.